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Un avant-goût de la suite

En avant-première, découvrez le prologue du Tome II

Prologue : Un joyau du passé.

De longs éclairs zébraient le ciel d’encre et un tonnerre assourdissant roulait au-dessus de la plaine.

Depuis plusieurs heures, la pluie assommait le cavalier prostré sur son cheval. Immobile, il ne s’impatientait pas. Depuis plusieurs mois, c’était son quotidien. Il errait dans l’étendue. Ici et là, il observait en attendant le moment idéal, celui où il bondirait sur sa proie. Il sentait que ce moment s’approchait.

Lorsqu’il retira sa cagoule pour tendre l’oreille au bruit de la nuit, la fraicheur des gouttes le surprit. Le vent glacial qui sifflait lui brula le côté du visage, mais il n’avait pas le choix, il fallait qu’il écoute. Il ne pouvait pas rater le moindre signe, le moindre bruit qui pourrait lui signaler la présence de son objectif.

Soudain, malgré le vacarme de la pluie qui battait la roche, il crut entendre, derrière lui, un claquement de sabot dans la mer d’obscurité qui l’entourait. Il fit volte-face et scruta la plaine. Les rafales poussaient l’eau qui s’affalait en rideau. Par moment, une silhouette semblait danser devant lui pour s’évanouir aussitôt.

L’homme sortit un long fauchon de sa cape et l’agita comme pour effacer les gouttes. Il porta sa main vers son oreille et tapota une boucle semblable à un croc de félin. Un bruit, plus proche encore que le précédent, l’obligea une nouvelle fois à se retourner. Pour ne pas trahir sa présence, il retint sa respiration et bloqua la bride de son cheval qui demeurait lui aussi parfaitement silencieux.

Il essuyait l’eau qui coulait sur ses sourcils broussailleux lorsqu’un autre cavalier passa à quelques mètres de lui. Il le voyait enfin. Il avait toujours su qu’il passerait là. Il n’en avait jamais douté malgré les heures interminables à attendre, il repoussa son cache-nez :

  • Maëric, cria-t-il d’une voix rauque et profonde

L’inconnu interpellé stoppa sa progression et se retourna.

  • Pourquoi un marcheur viendrait-il se perdre dans ces froides contrées ? répondit-il sèchement en approchant.

  • Oh, je ne suis pas perdu, sire. Je me trouve précisément là où je devrais être. Votre présence en est la preuve.

  • Ainsi, vous me suivez. Vous osez pister le roi des Neuf Tours contre son gré.

  • Vous ne m’avez guère laissé le choix, sire. Je connais vos intentions depuis longtemps, mais j’attendais le bon moment pour agir.

  • Et en quoi ce moment est-il propice ? questionna l’homme au visage masqué par une écharpe noire.

  • Vos chiens fous ont-ils fini par renoncer ? ou bien les avez-vous poussés du haut d’une falaise… Vous êtes bien seul désormais et je savais que cela arriverait tôt ou tard. Vous avez atteint le paroxysme de votre folie. L’isolement et la paranoïa vont indéniablement causer votre perte.

  • Je n’ai pas besoin des ombres pour me protéger, rétorqua Maëric. Ils avaient perdu leur fiabilité et je m’en suis effectivement débarrassé. Qu’importe ! Vous n’aurez jamais le cran d’attaquer le dernier représentant de la lignée des rois. Je n’ai pas de descendance et vous savez que cela serait un coup fatal au royaume. La bataille pour la succession serait sans merci et destructrice.

  • Vous avez tout prévu. À l’évidence, la dissolution des ombres et de l’assemblée ne représentait qu’une étape de votre plan pour détruire la démocratie et acquérir un pouvoir absolu.

  • Je vous l’ai déjà dit : les ombres devenaient incontrôlables. Elles n’œuvraient plus pour le bien du royaume. Ces traitres devaient payer le prix de leurs manigances. Vous ne m’attaquerez pas, vous aimez trop le royaume pour cela.

  • Il s’en remettra et une nouvelle lignée de rois verra le jour. Tout sera reconstruit. De la friche que votre mort laissera, nous replanterons les graines d’un nouvel essor. Quel dommage d’en arriver là, vous auriez pu être une légende si la quête des Pierres ne vous avait pas détourné du droit chemin. Votre règne est terminé Maëric, rendez-vous !

Il brandit son fauchon en guise d’intimidation.

  • Jamais ! Dans ce duel, vous n’êtes pas de taille à me vaincre, vieillard.

  • Ce combat sera une mise à mort.

  • Seul contre moi, vous tomberez, Belogos le traitre… hurla Maëric en tirant une longue épée blanche de son fourreau.

  • Je ne suis pas seul, je ne suis jamais seul, répondit-il avec ferveur en agitant son arme sous la pluie battante.

Les deux hommes sautèrent de leur cheval et leurs pieds s’enfoncèrent dans le sol boueux. Le marcheur repoussa sa cape afin de limiter l’entrave de ses mouvements. Il tendit son fauchon vers Maëric pour bloquer son premier coup d’épée. L’acier s’entrechoqua dans un grincement strident. Les coups s’enchainèrent rapidement obligeant Belogos à reculer de quelques centimètres. Son pied d’appui glissa légèrement sur sa cape ce qui manqua de peu de lui faire perdre l’équilibre. Il repoussa une nouvelle tentative de l’estoc grâce au manche de son arme puis il riposta. Il fit tourner son fauchon en direction de son ennemi qui para l’attaque avec beaucoup de peine.

La pluie continuait de battre et un éclair frappa à quelques mètres, enflammant un chêne centenaire. L’écharpe du roi s’envola sous l’effet d’une rafale plus violente que les précédentes. Une longue cicatrice déchirait son visage dans toute sa diagonale. Une barbe épineuse et gorgée d’eau entourait sa bouche qui haletait lors des assauts qu’il lançait contre son adversaire.

  • Je vais devenir invincible, cria-t-il en frappant du coup de pied le torse de Belogos qui s’affaissa sur le sol boueux. Je les réunirais toutes et personne ne pourra m’arrêter.

L’homme à terre roula sur le côté et la lame blanche du roi s’enfonça dans la boue. Il la retira presque aussi tôt, mais le marcheur avait eu le temps de se remettre sur pieds. Il se concentra en tendant sa main libre vers l’avant comme s’il voulait frapper son ennemi par la force de son esprit. Sa tentative fut interrompue par un nouvel assaut. Sous la puissance du coup, son fauchon s’envola et retomba quelques mètres plus loin, derrière un buisson.

  • Tu es vaincu, cracha le roi fou. Désarmé et seul, tu ne peux plus rien. Accepte ta mort, tu ne la trouveras que plus douce.

  • Un marcheur n’accepte jamais la mort : il la convoque s’il s’en estime digne. Et je sais que ce n’est pas le jour de ma chute… Je ne suis pas seul, je vous l’ai déjà dit.

Accompagnée d’un éclair scintillant, une ombre massive jaillit de derrière les taillis. Un animal d’une taille colossale qui portait dans sa gueule le fauchon se rua sur Maëric qui s’effondra dans la boue. La lumière d’un nouvel éclair dévoila les couleurs jaune et noire du tigre qui écrasait sa proie avec sa grosse patte.

  • Rends-toi, Maëric. Donne-moi la Pierre et le peuple jugera tes actes.

  • Jamais ! vociféra-t-il en réponse. On ne juge pas un roi, je suis au-dessus des lois. J’écris les lois. Je suis la loi. Je ne me rendrais jamais. La Pierre m’appartient et je m’emparerais des autres. Devant le pouvoir qu’elles me confèreront, le peuple qui me déteste tant s’inclinera.

  • Sire : depuis quand la sagesse t’a telle abandonnée ? Était-ce au moment où ton obsession pour les Pierres a pris le dessus sur ta bienveillance ou bien était-ce lorsque tu as ordonné le génocide des ombres ?

  • Ce sont tes allégations douteuses qui viennent de me faire perdre ma sagesse, vieux fou. Tu ne connais pas les hommes comme je les connais. Ils aduleront toujours le plus puissant et je veux être cet homme-là, rien ne m’en empêchera.

Sur ces mots, Maëric planta sa main dans la boue, il souleva une poignée de terre humide pour l’envoyer en l’air. Le nuage forma une masse sombre qui projeta le tigre vers l’arrière. L’animal s’effondra sur le sol dans un gémissement sinistre puis il s’éteint. Le maître assista, impuissant, à la fin tragique de sa bête. Il bascula sur le sol et saisit son fauchon d’un geste rapide et précis. Sa lame envoya la tête du roi vers le ciel, avant même qu’il n’ait eu le temps de se relever. Le corps inanimé tomba lentement vers l’avant tandis que la tête termina sa course dans une mare lointaine.

Le survivant se pencha vers son tigre et hurla, si fort, que son cri étouffa le souffle du vent et le fracas de la pluie. Il s’avança vers le cadavre de son ennemi et s’empara de la petite pierre qui ornait son armure.

Le vieil homme observa la pierre durant de longues minutes comme s’il venait d’obtenir la chose la plus précieuse au monde. Il glissa ensuite l’objet dans un sac de cuir qu’il fixa solidement à sa ceinture. Il constitua ensuite un autel pour recouvrir son animal emporté pendant la lutte.

Une fois le corps recouvert, il décrocha sa boucle d’oreille et l’enfila le long d’une cordelette qu’il passa à son cou. Le bijou en argent avait la forme d’un petit croc de tigre. En le tenant dans sa main, il murmura quelques mots : « Tu m’auras fidèlement suivi, c’est mon âme qui se déchire… Ma vie continue et la tienne s’arrête. Tu restes une partie de moi. »

Alors que l’orage s’éloignait et que la pluie devenait de plus en plus éparse, Belogos tira la pierre de la bourse de cuir. De son autre main, il empoigna une petite dague qui pendait à sa ceinture. Il la plaça sur un rocher massif et déposa délicatement la pierre grise sur le manche de bois. Celle-ci ressemblait à un vulgaire petit caillou de forme ovale, mais lorsque le marcheur frappa dessus avec le socle de son fauchon, elle sembla se fondre dans le manche de la dague. En quelques secondes, la pierre avait disparu, remplacée par une forme de feuille incrustée dans la poignée. L’homme enfourcha son cheval, tira sa cape puis accrocha sa dague sur sa large ceinture. Il s’élança vers le nord dans une cavalcade bruyante.

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